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Livre: Journal d'un corps de Daniel Pennac

Une envie de parler livre aujourd’hui, si tu as quelques heures devant toi prends donc le temps de te plonger dans la lecture du Journal d’un corps de Daniel Pennac.

Ce n’est pas un journal intime, malheureux surtout pas - le narrateur y tient beaucoup. C’est une chronique, la chronique d’un corps de 12 ans, 11 mois, 18 jours jusqu’à 87 ans, 19 jours. Un subtil mélange de dialectique, d’exultation, d’extravagance mais aussi de sagesse. La lecture fut délicieuse, le ton et l’écriture sont truculents.

Voici quelques extraits pour te chatouiller le cerveau et te donner envie de lire.

48 ans, 6 mois, 4 jours

[…] le meilleur des ORL m’annonce en quatre points:

  1. Que je souffre d’un acouphène.
  2. Que cinquante pour cent des acouphènes ne guérissent jamais.
  3. Que cinquante pour cent des patients atteints d’acouphènes permanents optent pour le suicide.
  4. Que ces bonnes nouvelles me coûteront cent francs, veuillez payer au secrétariat.

Nuit blanche, évidemment. Une chance sur deux d’avoir un acouphène définitif, autrement dit une radio ouverte en permanence dans la tête, dont le programme unique produit chez moi un sifflement continu, chez d’autres un hululement, chez d’autres du tam-tam, chez d’autres des carillons, des castagnettes ou de l’ukulélé. Il ne me reste plus qu’à patienter. Attendre que ça passe ou que ça se confirme, que le programme demeure au stade du sifflement ou que tout l’orchestre s’installe dans ma boîte crânienne. […]

56 ans, 9 mois, 27 jours

Blague entendue tout à l’heure, au bar où je prenais un café, racontée par mon voisin de comptoir, qui lui n’en était pas à son premier pastis: Pas de femmes, dit le médecin à son patient. Pas de femmes, pas de café, pas de tabac, pas d’alcool. Et avec ça, je vivrai plus vieux? Je n’en sais rien, dit le médecin, mais le temps vous paraîtra plus long.

59 ans, 1 mois, 14 jours

De l’agrément de se gratter. Pas seulement pour cette montée orgasmique qui s’achève dans l’apothéose du soulagement mais pour le délice, surtout de trouver au millimètre près le point exact de la démangeaison. Cela aussi c’est “se bien connaître”. Très difficile de désigner à l’autre l’endroit précis où vous gratter. Dans ce domaine, l’autre déçoit toujours. Comme souvent, il est légèrement à côté du sujet.

86 ans, 10 mois, 29 jours

[…] Pauvre médecin! Passer sa vie à réparer un programme conçu pour merder. […]